Journaliste au désormais célèbre magazine «Charlie Hebdo » (lequel a fait l’objet d’une poursuite pour avoir publié, au nom de la liberté d’expression, les célèbres caricatures du prophète Mohammed diffusé originalement par un journal danois) et présidente de ProChoix, Caroline Fourest est une jeune femme courageuse qui n’a certainement pas peur de clamer son opinion haut et fort. Elle est particulièrement reconnue pour son militantisme de gauche et par son opposition acharnée aux intégrismes de tout genres, mais plus particulièrement aux intégrismes religieux, notamment catholique, évangélique américain et islamique.
Comme elle l’a déjà souligné, Caroline Fourest tient à conserver son esprit critique et à garder sa conscience intacte. Elle refuse, à bon droit, de sacrifier sa liberté d’expression au nom d’un certain « relativisme culturel » ou sous le couvert d’une responsabilité quelconque de ne pas heurter les susceptibilités de certaines gens.
Pour l’essentiel, son livre dénonce les dérives d’une certaine gauche européenne vers une alliance de facto avec les éléments les plus radicaux de l’islam. Cette gauche, dite altermondialiste, s’allierait avec ces éléments au nom d’une opposition au capitalisme et, évidemment, aux États-Unis. De ce fait, selon Fourest, cette gauche constitue le jouet ou les pions de nouvelles forces totalitaires représentées par les intégristes musulmans. De cette alliance objective, naissent des prises de position qui vont pourtant à l’encontre de celles adoptées traditionnellement par la gauche. C’est ainsi, par exemple, que certains mouvements féministes, pourtant intransigeants (avec raison) sur le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, n’hésitent pas à défendre le port du voile par les musulmanes, même au sein des institutions laïques et ce, au nom du soi-disant respect de leur liberté de choisir, voire même de leur « libération » de l’oppression occidentale. Pour l’auteure, ces mouvements féministes le font aussi avec la prétention de soutenir un « féminisme islamique ». Caroline Fourest n’hésite pas à dénoncer ce genre de soutien, d’autant moins que les mêmes mouvements ne se sont jamais gardés de lutter, cela va de soi, contre d’autres formes d’intégrismes religieux, notamment la droite ultraconservatrice chrétienne.
Elle ne s’oppose pas à l’islam comme tel, mais plutôt à la façon dont cette religion est utilisée par les fondamentalistes ou intégristes pour préconiser des valeurs qui, non seulement s’opposent aux valeurs occidentales, mais heurtent aussi, au premier chef, les musulmans laïques ou religieux modérés venus s’installer en France, entre autres choses, pour vivre dans une société ouverte où ils n’auraient pas à subir les diktats des intégristes religieux. Elle dénonce donc les amalgames douteux qui consistent à traiter « d’islamophobes » ou de « racistes » tous ceux et celles qui osent se prononcer contre l’instrumentalisation intégriste de l’islam. Ce genre d’accusation n’est pas seulement formulée par des intégristes musulmans, mais aussi par cette fraction obscurantiste de la gauche atteinte d'un complexe post-colonial. «En confondant en un seul terme ce qui relève de la critique laïque et légitime de l’islam – notamment la critique de ses dérives sexistes, homophobes ou intégristes – et ce qui relève de l’attaque raciste envers les musulmans, ce mot a fortement brouillé les repères d’une gauche déjà déboussolée par son complexe post-colonial» (p.65-66). Dans sa définition actuelle, le mot «islamophobie » « confond la haine envers des musulmans pour ce qu’ils sont (ce qui doit être dénoncé comme raciste) avec l’hostilité envers une croyance, une religion, une idéologie (ce qui relève de la liberté d’expression)» (p.68). Et, bien sûr, bon nombre d’individus ont intérêt à maintenir cette confusion des genres. Pour l’auteure, les dénonciateurs des dérives des intégristes musulmans se voient souvent aussi accusés de faire le jeu d’Israël ou de George W. Bush. Lorsqu’ils sont musulmans, les pourfendeurs de l’intégrisme sont accusés d’être des « traîtres ». (Ça ne vous rappelle pas quelque chose?)
Je n’ai pas les connaissances requises pour juger cet essai à son mérite. Par contre, il traite de plusieurs points très actuels, même dans le contexte québécois à l’heure des accommodements dits « raisonnables ». Certaines personnes n’ont pas manqué de critiquer assez sévèrement le livre de Caroline Fourest. Par exemple, une d’entre elles prétend que Fourest aurait déformé ses propos. Par ailleurs, il a aussi ses défenseurs. Quoi qu’il en soit, ce livre vaut la peine d’être lu et apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui pensent qu’il vaut la peine de lutter contre toute forme d’intégrisme.